Frères Ladevant : “Combiner les disciplines et redéfinir des règles du jeu”



De passage à Paris, les grimpeurs Louna et Tristan Ladevant nous ont accordé une interview. L’occasion d’aborder leur amour de la grimpe, leurs projets et leur rapport à l’environnement.

Fin mai à Paris. Les premiers rayons de soleil estivaux réchauffent ce début d’après-midi. À Arkose Nation, une salle d’escalade où les frangins s’entraînent, Tristan et Louna nous accueillent autour d’un café. Leurs lunettes de soleil les rendent encore moins différenciables que d’habitude. Un soleil dont les deux grimpeurs, médaillés mondiaux en escalade de glace, ont pu profiter en avant-première, le mois dernier en Corse. Mais ce n’est pas pour bronzer qu’ils sont partis sur l’île de Beauté. Au programme de leur dernier voyage, une trilogie de voies mythiques, enchaînées en l’espace de six jours. « On était intrigués par Le Petit Prince« , explique Tristan, l’aîné. « On trouvait vraiment du charme à une voie de cette ampleur là, grimpée une seule fois et ouverte par un grimpeur aussi légendaire que feu Hansjörg Auer« . À Louna de poursuivre : « Ce voyage était tellement dépaysant. Les paysages, l’ambiance, le style d’escalade, rien de comparable à ça en France. On est très content d’avoir découvert cet endroit unique« .

Les deux frères Ladevant et Thomas Johannes, en haut du Chantier @lesfreresladevant

La Corse est loin d’être la seule destination à leur tableau de grimpe. C’est simple, les frères Ladevant aiment partir à l’aventure, au sens le plus strict du terme. « Aujourd’hui, l’alpinisme et l’escalade en Europe, ça a été beaucoup fait. La plupart des voies ont été grimpées« , développe Tristan, 24 ans. « Notre nouvelle règle, c’est d’en créer des nouvelles. Créer des combinaisons de voies, des combinaisons de disciplines. Le but c’est de redéfinir des règles du jeu pour créer des nouvelles choses. » Épris de passion pour de nombreuses disciplines comme le parapente, le ski, l’escalade, l’alpinisme et même le vélo depuis peu, Louna et Tristan cherchent sans cesse à découvrir et explorer le monde qui les entoure.

La discipline en constante évolution

Parmi tous les projets qui germent quotidiennement dans leur esprits d’enfants curieux, l’idée de partir en Asie, l’hiver prochain, à la recherche de cascades de glace vierges. Parce que oui, s’il y’a une discipline à laquelle les frères Ladevant donnent beaucoup, c’est l’escalade sur glace. Louna et Tristan ont respectivement terminé premier et troisième des derniers mondiaux. Une discipline qui pourrait profondément changer selon eux dans les prochaines années. « Plus on avance, plus la météo changeante devient très dangereuse pour notre sport » regrette Tristan. « Les créneaux de grimpe en naturel sont très courts et éparpillés dans l’hiver. On voit des gens qui font des cascades dans des situations dangereuses. Il va falloir faire de l’éducation pour les nouveaux grimpeurs car la cascade de glace devient un sport très compliqué à évaluer au vu des conditions. »

Une attache environnementale

Depuis leur enfance passée dans une yourte avec leur mère, les frangins ont vu la nature, leur terrain de jeu favori, changer considérablement. Malgré leur jeune âge, ils constatent déjà les dégâts, et ce à toutes les saisons. « L’été, c’était flagrant dans le massif du Mont-Blanc. On a vu un nombre incalculable de chutes de pierres. Le permafrost se réchauffe et tout bouge au dessus« , explique Louna, 22 ans, avec maturité. Une problématique environnementale qui ne leur est pas étrangère, bien au contraire. Louna poursuit : « Ça fait partie de notre ADN depuis qu’on est gamins. Ça ne fait pas si longtemps qu’on a commencé à en parler et à l’assumer en tant qu’athlète mais c’est clair qu’on veut continuer à le mettre en avant. Même si on a un métier en contradiction avec ça, ce sont des convictions que l’on a depuis longtemps. » détaille le benjamin. « Il ne faut pas tout arrêter, mais réduire certains impacts, jusqu’ou ca peut aller. En tant qu’athlète on se doit de définir nos règles sur ces points-là« , ajoute Tristan.

Photo Damien Largeron

L’été dernier, les deux compères avaient mené un road-trip d’escalade à travers l’Europe, le tout avec des vélos d’occasion et un budget minimal. « Nous, en tant qu’athlète, on est habitués à vivre dans une opulence matérielle. On a souvent le meilleur matériel, les meilleures fringues, les voyages,… », témoigne Louna. « Pour ce voyage on voulait voir ce que ca donnait de supprimer tout ça. On voulait montrer que l’aventure est accessible et que la barrière ce n’est pas forcément le budget. Il faut y croire et se donner les moyens de ses ambitions et sortir. » Une aventure en compagnie d’un vidéaste, Damien Largeron, qui a donné vie à un long-métrage, prévu prochainement en projection.

Filmer pour témoigner

Une dimension audiovisuelle de plus en plus importante pour les athlètes que sont loin de négliger les Ladevant. « Nous, on a la chance de vivre ça et d’avoir les moyens pour. C’est une passion et presque un devoir de le partager, de le faire vivre aux gens qui n’ont pas cette vie là, pas la possibilité de se procurer ce genre d’émotions en voyage » lâche Louna. « Ça fait presque partie intégrante que l’aventure elle même. Tout comme partager sur nos réseaux, raconter des histoires, ça nous plait vraiment de faire ça. C’est un truc qui a une valeur artistique d’expression qui nous va bien. » Son grand frère enchaîne, sur la même longueur d’onde. « Je pense que c’est un domaine qu’on tend à développer plus tard. On est en train d’apprendre ce qu’est la création de contenu et ça nous plaît. » Enfants, ils se souviennent que l’image a d’ailleurs été la manière dont ils ont plongé dans le milieu de la grimpe. « Faire des vidéos et filmer nos aventures, c’est aussi rendre la pareille et pouvoir donner envie à d’autres jeunes de se lancer là-dedans » conclue Tristan.

Photo Damien Largeron

Découvrez le reportage de l’émission Riding Zone (produite par Puzzle Media) en immersion avec les deux frères Ladevant.