Le Flat pro du FISE, on en parle ?



Beaucoup d'encre a coulé depuis l'annonce des résultats de la finale Pro Flat du FISE 2013, il est temps que les juges vous expliquent leur choix et qu'on en finisse avec ces éternelles et systématiques polémiques à chaque event…  

Retour sur ces finales pro flat du FISE 2013 car comme pour chaque contest, on a droit à des gars pas contents et d'autres qui crient au holp-up et les juges n'ont pas toujours l'occasion de se justifier donc pour une fois, allons-y. 



Etre juge n’est jamais une chose très facile, c’est certain. On sait qu’on sera forcément la cible des perdants et des fans des riders qui les soutiennent. On est aussi obligé de mettre parfois une mauvaise note à des gens qu’on apprécie beaucoup voire qu’on admire mais il faut rester impartial quoi qu’il arrive.
Il faut aussi se fixer des règles et s’y tenir. Par exemple, j’avais convenu avec les organisateurs et les autres juges que je m’intéresserai principalement à l’originalité et l’évolution sur les runs et un peu moins à la réussite (nombre de pieds posés), la difficulté, le style ou autre.  Les juges à coté de moi étaient des gars plutôt crédibles dans ce milieu du flat : les allemands Mike’s qui a plus de 30 ans de flat derrière lui et Frank Lukas qui en a bien une vingtaine au compteur aussi et perso je compte plus de 28 ans de flat également sans compter ceux qui représentaient la nouvelle génération : le français Renaud Meloni et l’allemand playboy Chris Bohm. Des gars plutôt bien en phase avec leur époque et à qui on peut faire confiance. Le simple fait de mettre en doute leur jugement et leur crédibilité me choque déjà car ils ont assez d’expérience pour savoir si un run est meilleur qu’un autre même si évidement ça reste subjectif quoi qu’on en dise mais la somme de tous ces avis fait pour moi un jugement objectif et indubitable.
Après, le principe même du jugement est de faire un choix et un choix est toujours fait au détriment d’un autre. Quand on vote pour quelqu’un, on vote aussi contre un autre, c’est inévitable et on sait bien qu’on va s’en prendre plein la gueule et qu’on aura à justifier ce choix.

On parle ici de la finale Pro Flat et sur les premières battles, le choix des juges était toujours unanime donc pas vraiment de quoi polémiquer. Même quand Dan Hennig a perdu et qu’il nous a insulté en allemand avec une rage incroyable (et j’avoue que j’ai bien flippé sur le coup) ! Heureusement qu’il était pas armé. En même temps il venait de rentrer un links vraiment stylé et original à base de boomerang en Switch et turbine steam roller parfaitement maîtrisé et exécuté mais contre le champion du monde Viki Gomez et ses nouveaux passages assassins, il n’avait aucune chance. On en a pris plein la gueule mais on a encaissé.
Les autres battles se passent et les choix deviennent de plus en plus durs. Evidemment comme tout le monde j’ai des chouchous et des avis sur les riders bien avant que ceux-ci ne commencent leur runs. J’aime beaucoup le style épuré et speed de Keelan Phillips et le caribou Jean-François Boulianne est un super pote sans compter que je suis probablement le plus grand fan de Jean-William Prevost qui doit exister sur terre. Je suis sa carrière depuis le début et j’avais prédit que ce gars exploserait.  Je peux vous dire avec précision quels tricks il faisait et sur quels contests ou quel parking ou hangar il ridait, avec qui et tous les détails, un fan absolu de la première heure et je ne m’en cachait pas. Je vantais les mérites de JW à l’époque d’Agoride, puis sur ART magazine et je continue sur mon nouveau canard (voir sa vidéo à droite). Je suis vraiment admiratif de sa façon de rouler et d’appréhender les tricks. Et je suis pas le seul car qu’on soit rider ou pas, on ne peut que s’extasier devant autant de puissance dans les mouvements et son contrôle du bike. Bon et là je dois voter entre lui et mon ami d’enfance Alex Jumelin.
​J’ai pas tout lu sur les forums mais certains avis m’ont fait assez mal surtout quand on pense que j’ai pu privilégier Alex car il roule pour la même marque de vélo que moi. Qu’Alex gagne ou perde cette demi-finale n’aurait eu aucune incidence sur la marque St Martin. Je pense pas qu’un gars se dise « j’achèterai le cadre de celui qui gagnera cette battle ! », non rien à voir avec le fait qu’Alex ridait pour la marque française, vous pouvez en être sur et pour la petite histoire, j’avais aussi demandé à Jean-William de rider pour St Martin il y a deux ans alors qu’il faisait ses premiers contests en pro et s’il avait accepté il aurait peut être le statut d’Alex aujourd’hui avec ses pièces signatures et j’en serais bien fier, croyez-moi. Mais il ne fallait pas que je sois influencé par mon admiration pour ce rider ni que je me laisse impressionner par son riding. L’un roule sur la roue arrière à fond la caisse et l’autre sur l’avant plus posément, pas facile de les départager. Tous deux sont aussi assez originaux également avec un demi-point de plus pour Alex qui avait des runs plus récents, en plein rodage. C’est donc sur la réussite que ça s’est joué et Alex a posé moins de pied et rentré plus de links tout simplement. Evidemment, ça s’est joué à un poil de fion et si les juges avaient voté pour JW, ça n’aurait choqué personne non plus. Je fais partie des gens qui pensent que le canadien est plus fort qu’Alex avec plus de prises de risque et des équilibres assez précaires mais on ne doit rien juger d’autre que ces deux minutes de run, rien d’autre. Et sur ces deux minutes là, le français était meilleur c’est indiscutable, en tout cas pour les juges allemands et moi.  Je comprends bien la frustration et l’énervement de Jean-William après l’annonce des résultats car ça faisait la 3ème fois consécutive en 3 semaines qu’il se faisait battre de peu par un français (à l’Astrolabe et aux Bike days aussi) et à chaque fois, ça se jouait à presque rien et il pouvait l’emporter donc oui il avait le droit d’être vener.

Après il faut aussi dédramatiser tout ça et se dire que JW débute à peine dans le métier et qu’il a une bonne vingtaine d’années de contests devant lui alors que pour Alex, les 20 ans sont plutôt derrière. Des frustrations, il en aura d’autres et des injustices aussi. Les juges ont assumé leur choix et on ne remettra pas ça en cause. On peut juste vous les expliquer pour arrêter les polémiques inutiles.

L’autre polémique justement, et plus importante celle-ci est celle du choix du vainqueur du contest. Les 3 derniers pour la battle finale étaient Matthias Dandois, le grand favoris de l’épreuve ; Viki Gomez, le prodige espagnol champion du monde et le plus ricain des français (ou le plus français des ricains maintenant) : Alex Jumelin.
Chacun son tour, ils donnent tout ce qu’ils ont, chacun dans leur registre. Alex mise tout sur l’originalité de ses tricks (dont il est souvent l'inventeur), Matthias mise tout sur le spectacle et Viki sur la technicité et la difficulté des enchaînements.
Les trois sont au coude à coude et pouvaient potentiellement l’emporter. Mais pourquoi les juges en ont décidé ainsi alors ? Après les runs, les cinq juges sont partis se concerter pour définir un classement. On se regarde tous et il y en a un qui a lancé : «Mais Matthias, ça fait pas déjà cinq ans qu’il fait ce run ?». Et c’est probablement cette simple phrase qui a mis le feu aux poudres et influencé le choix final du jury. Car ce qui les a départagé c’est rien de plus que l’évolution et l’originalité, des choix artistiques propres à cette discipline. Et si en park ou street, on s’en fout royalement, en flat c’est ce qui compte le plus encore aujourd’hui finalement. Alex, qu’un juge avait classé second au départ, a bien compris cela et arrivait avec une routine neuve et inédite et pareil pour l’espagnol qui nous a sorti des links qu’il n’avait jamais montré en run auparavant. Matthias s’est laissé emporter par la foule et le public en délire et a ridé pour eux. Sauf que le public ne votait pas et qu’il ne fallait pas oublier les juges. Il a quand même compris que les juges ne se laisseraient pas impressionner et a voulu sortir son dernier atout avec la carte de l’originalité en last trick : un hitchiker avec les mains dans le dos et le pied qui pompe sur le guidon, qu’il a essayé 5 ou 6 fois et s’il l’avait rentré, le classement final n’aurait certainement pas été le même et on serait pas là à en discuter.
Entre le show complètement dingue de Matthias et le run plus technique et compliqué de Viki, avec un magnifique kick flip steam roller to half packer pivot on a fait le choix. Mais là aussi ça s’est joué à pas grand chose et personne n’aurait été choqué de voir la grande saucisse gagner le contest. Ainsi va la vie et les juges ont tranché. Le flat étant extrêmement difficile à juger vu le nombre de paramètres et le niveau très proche des riders, il est fort à parier que ce genre de situation est amenée à se répéter encore un bon paquet de fois. Et vous pouvez compter sur nous pour vous décrypter et analyser tout ça.

Photos : Maxime Cassagne
Texte : Manu Massabova

 

Résultats Flat Pro
1-Viki Gomez
2-Matthias Dandois
3-Alex Jumelin
4 Jean William Prevost
4 Jean Francis Boulianne
4 Keelan Phillips
8- Thomas Deschenaux
9- Romain Dodelier
10- Dez Maarsen
11-Dan Hennig
12- Thomas Noyer
13- Kevin Jacob