« Au Kirghizstan, c’était beaucoup de patience pour quelques secondes d’extase »

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À l’occasion du High Five Festival, The Rider Post a eu l’occasion de rencontrer Léa Klaue, snowboardeuse Suisse qui s’est déplacée à Annecy pour la sortie en avant-première du dernier film de la marque Picture baptisé « Chronoception ».

Léa s’est rendue au Kirghistan l’hiver dernier, en compagnie de Thomas Delfino et Aurélien Lardy, pour rider une montagne encore inexplorée : le Kokshaal-Too. Rencontre avec une snowboardeuse puissante, qui n’a pas peur des pentes raides et des ascensions en splitboard.

TRP : Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Léa : Je m’appelle Léa et je fais du snowboard depuis 25 ans. Je suis une snowboardeuse Suisse, je vis en Valais. J’ai eu l’occasion de vivre à beaucoup d’endroits, en Suisse mais aussi d’en d’autres pays et continents. Je suis quelqu’un de très passionnée, la montagne et le snowboard sont des constantes dans ma vie.

Ma pratique du snowboard a beaucoup évolué au fil du temps. J’ai commencé avec des compétitions de freestyle, à l’époque où les filles n’étaient pas trop acceptées, je me suis donc beaucoup entraînée dans mon coin. À côté du snow, j’ai toujours fait des études, qui m’ont amené à vivre en Norvège. Quand j’habitais là-bas, il n’y avait pas beaucoup de stations de ski et c’est à cette époque que les premières planches de splitboards sont arrivées sur le marché. Je m’y suis donc mise pour pouvoir profiter des super conditions de neige norvégiennes. En rentrant j’ai continué à faire beaucoup de rando, jusqu’à aujourd’hui, où je m’intéresse à l’alpinisme et à la pente raide, toujours avec mon snowboard aux pieds.

TRP : Comment es-tu arrivée sur ce projet d’expédition au Kirghizstan ?

Léa : Alors ça, c’est une très longue histoire ! Quand Picture m’a contacté par le biais de Mat Schaer, je faisais déjà pas mal de petites expéditions de mon côté. Ils m’ont dit qu’ils avaient pour volonté de préparer une nouvelle expédition, dans la veine de leur film Zabardast, qui a connu un grand succès lors de sa sortie en 2019. Picture c’est quand même une marque qui est réputée pour faire des films qui sont à contre-courant de ce qui se fait habituellement. C’est quelque chose qui m’a toujours fait rêvé de faire un documentaire de ce type.

Ils avaient donc comme projet de refaire un film qui amène un vent de nouveauté avec son storytelling, et je crois que c’est aussi dans l’ère du temps d’avoir un peu de diverstité dans ses équipes, c’est pour ça qu’ils étaient à la recherche d’une rideuse féminine.

TRP : Qui a eu l’idée de cette destination ? Le Kokshaal-Too, au Kirghistan, c’est quand même assez insolite !

Léa : Ce nouveau projet était une idée de Thomas Delfino, qui est aussi à l’origine de Zabardast et qui voulait se lancer dans une nouvelle aventure. Ca fait un moment qu’il y pensait, et pour cause ! Thomas avait repéré un massif reculé en Russie qui avait une belle pente raide jamais ridée. On n’a pas pu avoir de Visa à cause du Covid, et l’année d’après, c’est la guerre qui nous a bloqués à la dernière minute.

Comme l’équipe était déjà formée et que le projet était déjà lancé, Thomas a sorti une autre idée de sa poche : aller au Kirghizstan. Dans un massif qui n’avait jamais été skié, entre la Chine et le Kirghizstan. Ça a mis beaucoup plus de temps qu’on ne le pensait pour voir le jour, mais finalement on a réussi à faire quelque chose et le film est né.

TRP : Justement, le film s’appelle “Chronoception”, pourquoi ce nom énigmatique ?

Léa : C’est rigolo parce que c’est moi qui ait suggéré ce titre et c’est finalement celui qui a été choisi, donc j’en suis fière. La chronoception, c’est le terme latin pour désigner la perspection subjective du temps qui passe.

Guillaume Broust, le réalisateur, aimait beaucoup le concept de construire une histoire autour du temps qui passe. Comme on avait pour destination un endroit très reculé, on était conscient qu’on allait mettre plus de temps pour y arriver que de temps passé à rider sur le spot.

Quand on est arrivé au Kirghizstan, vous le verrez dans le film, on a eu quelques problèmes et le voyage d’approche a été beaucoup plus long que prévu. On a dû être très patients tout au long de notre périple, pour finalement obtenir quelques secondes d’extase en descendant la montagne. En sortant de l’expédition, en arrivant dans la ville où tout allait très ville, on a tous eu l’impression de sortir de notre bulle, de sortir d’un vortex temporel. C’est cette distorsion du temps, qui intéressait Guillaume.

TRP : Dans le film, il est mentionné au début que vous ne vous connaissiez pas avant de partir. C’est compliqué d’apprendre à connaître quelqu’un dans ces dispositions extrêmes ?

Léa : On se connaissait déjà un peu, mais pas énormément. De toute manière, quand tu pars en expédition, tu sais que tu vas apprendre à connaître les gens autrement. C’est aussi la beauté de ce genre d’expérience, ça te force à lier des liens avec des personnes qu’il ne serait pas possible de tisser dans d’autres contextes. C’est très brut comme rapport humain. Je suis une passionnée de l’humain, je ne suis pas anthropologue pour rien d’ailleurs, parce que j’aime beaucoup analyser ce que les humains font et voir ces interactions dans un milieu si hostile, c’est vraiment passionnant.

On a eu beaucoup de chances parce que l’affinité qu’on a tous partagé dès le début, c’était l’humour. Notre mécanisme d’adaptation aux problèmes a été le même pour tout le monde sur ce trip, et ça nous a permis de passer au travers de nos galères avec le sourire.

TRP : Dans le film, chacun a son animal Totem. Aurel te décrit comme le panda “ Elle est toujours calme et souriante mais si tu l’énerves elle peut t’arracher un bras” : ça te plait comme définition ?

Léa : Moi je pensais d’abord qu’il parlait du panda parce que j’ai toujours une marque de bronzage avec le masque, surtout à la fin de l’expédition après plusieurs semaines sur le glacier.

C’est vrai que je suis toujours très calme, mais je suis aussi très empathique et si quelque chose ne va pas pour moi ou quelqu’un d’autre, je vais le faire savoir. Dès que je ne me sens pas traitée avec justice, j’ai envie de le dire. J’ai dû m’imposer plusieurs fois sur cette expédition pour pouvoir rider les lignes que je voulais, pouvoir porter le même poids que les autres… Une fois que je me donne les moyens pour atteindre un objectif, c’est sûr qu’il n’est plus possible de m’arrêter, ça me donne une aura combative.

Le film sera projeté jeudi 6 octobre prochain, dans la salle Arkose de Nation à Paris, puis sera en tournée d’avant-premières dans toute la France. Plus d’infos à cette adresse.