TU SAIS QUE TU ES VIEUX QUAND…



Le huffington post américain publie un article marrant à propos des skateurs qui ont vieilli mais qui gardent leur regard de skateur sur le monde.
Sur le mode "31 preuves que vous étiez skateur, et que vous le resterez dans votre coeur" très prisé sur Internet (les tops), le rédacteur recense tous ces signes. qui font que les skateurs se reconnaissent entre eux, partagent un lexique, une histoire et une façon de voir le monde communs.

Quelques uns, bien vus, comme ça ?
-1.L'autorité. Vous avez toujours un problème avec.
-3.Votre habileté à compter les marches d'escaliers à la volée est sans égal.
-6.Les ledges et escaliers en marbre vous procure toujours un sentiment d'euphorie
-14.Non le longboard ne fait toujours pas partie de la famille skateboard
-29. Vous vous souvenez avoir appris plein de tricks, et l'euphorie quand vous en posiez un pour la première fois

Il y en a aussi d'autres moins pertinents :
-"17.Vous vous foutez de savoir qui performe aujourd'hui, parce que personne ne skatera jamais comme Rodney Mullen." Le simple fait que vous soyez en train de lire ce papier sur The Rider Post invalide, de fait, cette affirmation. Enfin, j'espère. 
-"15.Vous connaissez la vidféo "Skate and Destroy", le leap of faith et la Bones Brigade." Oui, et…?
-"8.De temps en temps, vous tapez "Chad Muska", "Tom Penny", "Eric Koston" dans google. Juste pour voir ce qu'ils sont devenus, parce qu'ils vous manquent, un peu comme une ex."

Les gifs publiés sont assez amusants et ajoutent à l'intérêt de l'article mais il y a quand même une grande question qui subsiste :

Qu'est-ce qui vous empêche à 35 ans de continuer le skate, plutôt qu'à rêver de votre vie de gamin ? C'est le syndrome Peter Pan ou quoi, chez vous?
​A quoi ça sert de s'abreuver avec des fantasmes d'ancien skateur, de penser avec nostalgie à une époque soi-disant révolue, de parler de c'était mieux avant et d'évoquer une sorte confrérie sportive et cognitive que nous seuls partageont. Comme si ça faisait de vous autre chose que quelqu'un qui a abandonné une activité qui lui plaisait.

Plutôt que de se pignoler en regardant Nostalgie skate TV, il vaudrait mieux remonter dessus et aller skater. Ou mieux: ne jamais avoir arrêté, parce qu'il n'y a rien qui le justifie, au final. Le mal de dos, les responsabilités, le boulot, les enfants, le manque de temps… Ce ne sont pas des raisons. Ce sont des excuses.

Il y a peu, le skateur japonais Gou Miyagi publiait une jolie lettre sur le fait d'être skateur, et de continuer à l'être même si la société nous dit, qu'à un moment, "il faut grandir". 

GouPour résumer, Gou Miyagi parle de la culture japonaise (et par extension occidentale) qui reste oppressante quand il s'agit de dire qu'on s'amuse avec son skateboard, passé un certain âge. Il subsiste une certaine réprobation de l'entourage ou de la population, qui considère que passé l'adolescence, il est temps de s'occuper de choses plus sérieuses. De son point de vue, ce processus de "grandir" est un leurre parce qu'il nous fait perdre l'enfant qui est en nous et empêche l'accomplissement de notre être. La solution?  Retrouver notre enfant intérieur.

Voici la traduction du texte anglais, lui-même déjà traduit du japonais :

"Les gens qui ont grandi (les "grown-ups") tentent de t'inculquer quelque chose. Il ne pensent pas mal faire mais ce qu'ils t'enseignent n'est pas toujours la vérité. Je ne prône pas de les enfoncer ou de leur manquer de respect. Parce qu'ils sont aussi perdus, vivant leur vie dans l'illusion. Mais nous devons nous protéger de cette illusion ou de ce qui pourrait nous détourner d'atteindre notre propre accomplissement. Et la réponse vient toujours de nous-mêmes.

C'est aussi une conversation avec l'enfant qui est en chacun de nous. Cet enfant intérieur, qui est toujours présent chez moi, doit être ce qui me fait tant aimer le skate encore aujourd'hui. 

Quand j'étais petit, j'ai été confronté aux valeurs étriquées dy sytème d'enseignement, j'ai été quantifié, comparé et forcé à être compétitif, à concourir. De cette période, j'ai trouvé un rayon de lumière enfouit en moi et décidé que je devais protéger cette lumière coute que coute. Même si je ne savais ce qu'était cette lumière. Je ne pouvais pas expliquer cela aux autres et j'étais quand même paralysé, en ne sachant pas ce que j'allais faire de ma vie.

Et puis j'ai croisé la route du skateboard, avec sa culture et ses attitudes, oui ce skateboard là. Ça venait de l'autre coté de l'océan, mais ça collait à ma personnalité. Je sais pourquoi j'ai été happé par tout ça : c'était le moyen de protéger ma flamme, ma lumière. C'est aussi à ce moment que je me suis isolé des autres. Nos chemins ont divergé.

A cette période, tout le monde ressent l'envie de satisfaire ce qui semble bon pour lui-même, mes camarades de classe allaient au karaoke, au bowling ou aux salles de jeux vidéo. Et bien sûr l'alcool et les clopes allaient suivre. C'était leur façon de se rebeller contre les « grown-ups », les adultes. Mais pour moi, ils prenaient justement le chemin balisé par les adultes. Pour atteindre encore un autre prétendu confort. Ils ne profitaient même pas réellement ou spontanément de ces errements. En les considérant comme ça, je ne pouvais pas rester avec eux. Je me suis détesté d'avoir ce point de vue, mais je ne pouvais pas continuer.

Comme les skateurs essayaient tout le temps de créer de nouvelles choses, c'était excitant, plein de surprise et de joie. Ils n'acceptaient pas le statu-quo, il se débarrassaient du malaise de la société à leur manière. Je croyais définitivement qu'ils avaient la force nécessaire pour ne pas se faire avaler par ce système créé par les adultes. Mais finalement, au fil du temps, même les skateurs grandissent. Une nouvelle « société » s'est créée au sein du monde du skate et c'est comme si la morale adulte avait pris le dessus.

Je ne voulais pas me faire avaler par ça. Je ne voulais pas éteindre cette flamme que le skateboard avait réussi à garder allumée. Calmement, j'ai décidé de me battre contre cela. Quand je suis devenu père d'une petite file, j'ai été au contact de son innocence et de sa liberté. J'ai pu retrouver petit à petit cette flamme. C'était l'enfant intérieur.

Les gens qui m'ont vu skater me demandent souvent comment j'ai trouvé l'idée de ces tricks. Je crois que c'était seulement l'enfant intérieur qui permettait ça. L'enfant intérieur est libre d'esprit et de fantaisie, jamais obligé de suivre les règles. Et ce qu'il créé est plein d'une énergie explosive. Mais cette énergie est difficile à manier. Il y a quand même des facteurs physiques qui limitent son utilisation. Sans réfléchir à la possibilité humaine de réaliser un trick, l'enfant intérieur dit : « ce ne serait pas marrant de faire ça ? Vas-y, tu peux le faire! » Et oui, bien sûr que ce serait marrant. Mais l'adulte qu'on a en nous intervient et prend la main à l'enfant pour mener cette idée à quelque chose de faisable. La complémentarité des deux permet de réaliser ces tricks. Ce qui veut aussi dire que ça met un paquet de temps pour y arriver.

La raison pour laquelle je vous parle d'une histoire personelle, c'est qu'en poussant un peu, elle devient universelle. Et le petit monde du skate aujourd'hui tend à être régi par la conception des adultes, et souffre de ce manque de cette difficulté à trouver son équilibre. Je ressens aussi cette angoisse, en tant qu'adulte et encore plus depuis que je suis père.

Mais c'est aussi pour ça que je redécouvre l'importance de cet enfant intérieur. Ces deux pôles sont essentiels et ce serait mieux de ne pas pencher d'un seul coté. Je crois sincèrement que trouver et renforcer cet équilibre est la meilleure façon de témoigner ma gratitude au skateboard »

Gou Miyagi

Voici quelques exemples de skateurs qui ont largué la trentaine depuis un moment et qui continuent eux aussi de ne jamais arrêter. Ce sont les plus connus et les plus visibles, mais il y a partout des anonymes ou des moins anonymes qui sont sur les parks tous les week-ends ou dès qu'il le peuvent.
Alors merci le Huffington Post, mais non merci.  

Andrew Reynolds, 35 ans, tourné en 2012-13.

Jim Greco, 36 ans, tourné cette année

Daewon Song, 39 ans, en 2013

Paul Shier, âge inconnu mais passé la trentaine, à l'aise.

Lance Mountain, 49 ans, tourné en 2010

Tony Hawk, 46 ans, tourné en 2013

Brian Patch, 42 ans, tourné cette année

Jeff Grosso, 46 ans, Mike Carroll, 39 ans, Rick Howard… la liste est longue, sans oublier Neal Unger.

On s'voit ce week-end au park!

Pif