Une minute à fond dans l’avion avec Mikael Brageot !



Le 16 juin, les Championnats de France de voltige aérienne s’ouvrent à Niort et Mika Brageot, triple champion des Red Bull Air Race Challenger, sera de la partie.

Avant de repartir pour une course entre les pilonnes à Budapest, Mika Brageot revient sur sa préparation mentale et physique. Les coulisses d’une réussite.

Quel âge tu as, depuis quand tu pratiques ce sport ?
J’ai 29 ans et je pilote des avions depuis l’âge de 11 ans. Mon grand-père m’a emmené faire un baptême de l’air, juste pour découvrir. Ça tout de suite accroché et j’ai commencé à m’entrainer, à doses homéopathiques d’abord… et puis c’est devenu une vraie passion !

Qu’est-ce qui t’a amené aux Red Bull Air Race ?
Quand les Red Bull Air Race sont nées en 2003, j’étais en plein dans ma passion de la voltige. Ils utilisaient les mêmes avions, mais sur un circuit chronométré. Ça a donné des courses très spectaculaires qui sont devenues la référence du pilotage, une sorte de modèle, en particulier pour moi, qui étais jeune pilote. Faire cette course, c’était mon rêve, alors j’ai construit ma carrière de pro autour de cet objectif : faire les Red Bull Air Race. Et le rêve a aboutit en 2013.

 

Mikael Brageot

 

Comment te prépares-tu tout au long de l’année ?
Il y a trois volets de préparation : physique, technique et mentale. Le tout permet d’être en forme sur la durée de l’événement, c’est-à-dire réussir à tenir de longues journées, avec beaucoup d’attente, tout en étant 100% présent pour tenir 1min à fond dans l’avion. Il faut être très précis pour bien placer son avion sur la trajectoire. Si tu te décales ne serait-ce que de 5 mètres, tu perds du temps ou tu peux faire une erreur fatale. Tout est réglé au millimètre.
Le circuit des Red Bull Air Race est très médiatisé, alors comme pour Formule 1, il y a la course en elle-même mais aussi tous les à-côtés. C’est un gros équilibre à trouver pour rester concentré.

C’est difficile de ne pas se laisser perturber ?
Il y faut rester attentif. En fait, c’est une recherche d‘identité. Une des principales contraintes pour les sportifs de haut niveau, c’est de trouver cette identité. Souvent, les jeunes sportifs cherchent l’identité et oublient les résultats, ou inversement. Il faut arriver à jouer entre les deux pour trouver un équilibre. On n’a pas le temps de jouer des rôles, d’être comédien jusqu’à midi et pilote de course l’après-midi, ça demanderait trop d’énergie.

 

Comment as-tu construit cette identité ?
Avec ma propre personnalité ! Il n’y a rien à inventer, il faut se connaître. Celui qui sait qui il est, et qui connaît ses réactions, saura se gérer. C’est un vrai travail, qui est indispensable pour aborder les courses avec sérénité. J’ai un préparateur mental qui aide à clarifier qui je suis et ce que je cherche. Ce n’est pas un gourou non plus, mais il m’aide à me recentrer, à être droit dans mes bottes. Avec en ligne de mire, la performance à la fin entre les pilonnes.

Comment t’entraines-tu physiquement pour la performance ?
Pendant la course, le corps prend 10 G à intervalles réguliers et resserrés. On appelle ça le facteur de charge. Ces variations sont très, très physiques. Après un vol de 1 minute tu es à peu près dans l’état d’un marathonien à la fin de sa course, c’est très intense.
On travaille tout le corps, même les bras, qui doivent rester stables et précis dans le pilotage. En tant que pilote c’est important de travailler la colonne de la tête aux pieds. Plus le dos est solide plus on peut encaisser et être précis.
Les jambes, cuisses et abdominaux sont là pour jouer le rôle de ceinture anti G. Quand on prend 10G, tout pèse 10 fois son poids y compris le sang qui descend vers les membres inférieurs. On apprend à contracter la ceinture pour éviter que ça descende.
On ne peut pas se permettre d’avoir un état modifié dû au facteur de charge, comme la vision troublée par exemple, parce que la tête n’est plus irriguée.

 

Et plus personnellement, comment tu te prépares ?
Chacun a une routine personnelle de préparation, un « tempo » de préparation. Ça peut passer par différentes choses, comme vérifier que ton avion est bon pour la course, être bien préparé musculairement, se reconcentrer avec des techniques de visualisation.

Des techniques de visualisation ?
Oui on fait deux types de visualisation : on se représente la course en tant que spectateur et en tant que pilote pour trouver le meilleur circuit. Ce processus te permet d’avoir une mémoire mentale et musculaire imprimée en toi, de façon à réaliser le parcours tel qu’il devrait l’être, « par cœur ». Je pratique aussi un peu de méditation.
On arrive à un stade difficile à expliquer mais que je vis à chaque fois, à 100% aux niveaux physique, mental et technique pour donner le meilleur de soi-même du passage ligne de départ jusqu’à la ligne d’arrivée.

 

Mikael Brageot

 

Parles-nous de l’équipe qui participe à ta préparation.
Chacun a son rôle et chaque rôle est important. Autour de moi j’ai un préparateur mental, une coordinatrice, un mécanicien et deux tacticiens.
Plus on vole, plus on a de retours, plus on peut développer des outils de gestions mentaux, techniques, mécaniques. Y compris pendant la semaine de course, on enregistre les données de l’avion et on réactualise la stratégie.

Combien de temps à l’avance connais-tu le circuit de la course ?
On reçoit les circuits deux semaines avant la course. Pendant ces deux semaines, on l’analyse avec des logiciels pour calculer la trajectoire idéale.

A quelle vitesse vont les avions ?
370km/h : c’est la vitesse réglementaire qu’on n’a pas le droit d’excéder en passant la ligne de départ. Ensuite, il y a tellement de manœuvres qu’on ralentit un peu, jusqu’à 150-200km/h en haut des trajectoires puis de nouveau 350 km/h au niveau des pilonnes.
Globalement dans la performance pure, les avions sont quasi identiques, ce qui change, ce sont les réglages. Les temps finaux sont très serrés, au 10e de secondes seulement. C’est un couple machine – homme où les deux comptent : une machine bien affutée, un pilote bien préparé, bien droit dans ses bottes.

 
Et quelle est la plus grosse vitesse que tu aies atteinte ?
La plus grosse vitesse atteinte ? En avion de ligne ! 800km/h mais on ne sent rien ! Avec nos avions c’est au maximum 450 km /h dans les piqués.

Comment tu vois ton sport évoluer ?
Le sport il a 10 ans d’ancienneté. Il est très abouti mais a encore de beaux jours devant lui, des possibilités d’évolution infinies. Il y aura sûrement de nouvelles améliorations techniques et aéronautiques pour alléger les machines.
Ce serait aussi intéressant d’avoir des circuits d’entrainement sur lesquels on puisse réserver des sessions, comme en Formule 1, car aujourd’hui il n’y en a pas. Quand je dis que je m’entraine, je m’entraine à la voltige aérienne. On ne peut pas s’entrainer à la course aérienne en dehors des semaines de courses, c’est pour ça que c’est parfait de combiner la voltige et les Red Bull Air Race.

 

Crédits : ©Red Bull