J.O et sexisme : quel avenir pour le surf féminin ?



Alors que nous sommes en plein buz médiatique concernant les Jeux Olympiques et le sexisme dont font preuve nombre de journalistes nationaux et internationaux, un nouvel épisode de Girls of Surfing vient de sortir. Justement, les filles, le surf, les JO. A quoi s’attendre ?

On sait tous maintenant que la discipline sera élevée au rang olympique dans quelques années, et je ne cesse de me questionner sur l’avenir des surfeuses et de leur crédibilité dans le domaine des sports de haut niveaux.

Quand on apprend qu’un commentateur de la chaîne Américaine NBC a attribué l’obtention de la médaille d’or de l’athlète Katinka Hosszu (natation 400 m individuel) à son coach Shane Tusup, ça fait réfléchir. Parce que bien entendu, ce n’est pas elle qui nageait dans le bassin, et ce n’est pas elle non plus qui s’est entrainée pendant quatre ans, tous les jours, comme une obstinée. Si on se penche sur les JO de Sotchi et plus particulièrement, du patinage artistique, on se souvient du duo mythique (pas forcément pour les bonnes raisons) de Candeloro-Monfort, très souvent montrés du doigt pour leurs propos sexistes et graveleux. Philippe Candeloro et ses commentaires bien gras  » Valentina Marchei a beaucoup de charme, comme Monica Bellucci, avec un peu moins de poitrine » ont choqué à défaut d’amuser, comme le souhaitait ce dernier.

Valentina Marchei
Valentina Marchei – JO de Sotchi (2014)

Mais il y a pire encore, avec Gabby Douglas. Cette gymnaste américaine avait remporté deux médailles d’or aux JO de Londres, et les médias n’avaient eu de cesse de souligner la coiffure de la jeune femme « qui laisse à désirer ». Quant à la finale de snowbaord féminine, un journaliste NBC avait précisé : « C’était une belle course. Il y a 5 ou 10 ans, ça aurait été une belle course chez les hommes« .

Gabby Douglas
La gymnastique médaillée Gabby Douglas, aux JO de Londres © Daily Mail

Un dernier exemple avec la jeune sauteuse à ski française, Coline Mattel, qui avait vue sa vie sexuelle exposée à la télévision. Elle avait été décrite comme une « gonzesse » qui « cherche à plaire aux garçons » et qui « découche et fait le mur ».

 « J’arrive aux Jeux Olympiques avec une nouvelle discipline, je défends un peu la cause des femmes, du saut à ski chez les femmes, […] le sport féminin en général, dans un contexte un peu agité et d’entendre des commentaires comme ça, je me dis « on vit à quelle époque ?  » »

Coline, à peine 18 ans, faisait déjà face à des rumeurs et commentaires déplacés, bien au delà de son âge mais également, de son époque.

coline mattel
Coline Mattel, médaillée d’or au Saut à Ski © Stefan Diaz

Parce que c’est un fait, les athlètes féminines sont toujours, constamment, jugées sur leur apparence physique : leurs vêtements, leur coiffure, leurs formes, leur grâce,… et leurs émotions. Une femme en pleurs sur le podium sera décrite comme fragile, émotive, mignonne dans certains cas. Pour un homme, les commentaires seront bien différents : forts, fiers, courageux, etc…

JO Chine gymnastique
L’équipe Chinoise de Gymnastique en attente des résultats – ©Olivia Harris/Reuters

Des clichés auxquels restent attachés la télévision et les journalistes, et qui continuent d’être véhiculés par les médias, renforçant leur place dans les moeurs et entretenant une idéologie inégalitaire entre les hommes et les femmes, qui n’a pas lieu de persister. Mais les journalistes ne sont pas les seuls persécuteurs de l’image de la femme dans le sport, les anciens sportifs reconvertis sont d’autant plus directs dans leurs propos.

Volley ball
Les Brésiliennes, médailles d’or de volley-ball © OLIVIA HARRIS/REUTERS © Le Monde

Comme l’ancien judoka David Douillet avait écrit dans sa biographie : « pour moi une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de naturel, de valorisant. (…) Pour l’équilibre des enfants, je pense que la femme est mieux au foyer ». Ou encore, notre Kinder Bueno officiel, Jo-Wilfried Tsonga, donnant son avis sur le tennis féminin :  » Les filles sont plus instables émotionnellement que nous, c’est juste à cause des hormones et toutes ces choses. Nous on a pas tous ces parasites donc on reste en forme en permanence et pas vous »
Donc selon l’ami Jo, si on pleure sur la première place du podium, la médaille d’or autour du coup et le titre de championne olympique sur la tête, après des années de dures labeurs, de concessions, de privations, de doutes, de sacrifices, de travail acharné, c’est parce qu’on a trop d’hormones ?!

Pierre Ménès
Grand Format de L’Equipe du 6 mars 2013 « A t-on besoin de l’égalité homme-femme dans le sport ? » – Ici, la réaction de Pierre Ménès ©Acrimed ©L’Equipe

C’est donc avec désolation que l’on constate que la beauté et l’apparence physique jouent toujours un rôle dans la crédibilité d’une athlète et dans ses possibilités de carrière. Les cas sont nombreux : la surfeuse Silvana Lima non sponsorisée due à son physique soit disant désavantageux ; la tennis women Marion Bartoli clairement dénigrée à l’antenne de la BBC par le journaliste John Inverdale :

« pensez-vous que le père de Bartoli lui a dit quand elle était petite « tu ne seras jamais un canon, tu ne seras jamais une Sharapova, donc tu dois t’accrocher et te battre »? ».

Silvana Lima
Silvana Lima – Oi Rio Pro

Alors quand on pense au surf, cette discipline exotique aux connotations estivales qui, tel le beach-volley, est associé à la plage, au soleil et au bikini, comment arriver à faire respecter les athlètes que sont les surfeuses, face à de telles mentalités ? Comment surplomber l’image sexy qui s’en dégage inévitablement, et qui de surcroit, est divulguée par les athlètes elle-même ? L’élévation du surf en catégorie de discipline olympique va t-il permettre aux femmes de gagner un statut qu’elles peinent à avoir, celui d’athlète de haut niveau ?

Pro surfeurs
Les pro surfeuses en trip

Il est temps de refuser et de condamner certains comportements, et de divulguer de vraies valeurs, celles du sport, de la passion et de l’investissement physique, mental et idéologique. Pour un meilleur avenir sportif, et pas seulement celui des femmes, mais également celui des disciplines toutes confondues, des valeurs démocratiques, de l’égalité, et de la liberté. Je suis la seule femme à la rédaction, et je prends mon rôle très à coeur, pour pointer les inégalités et les problèmes liés au sexisme dans le sport, (pas seulement de haut niveau) et dans le journalisme sportif. Pour un rappel en chiffre, seulement 21% des journalistes couvrant les Jeux Olympiques sont des femmes, et seulement 12,5% des postes de présidents de fédérations sont détenus par des femmes…

Voici pour terminer, un best-of de la web-série Girls of Surfing, qui prouve une fois de plus que les femmes assurent !

Notre ligne édito surfe sur le sexy et le charme des athlètes, mais nous défendons cependant corps et âme l’égalité des sexes et a liberté d’expression.

Sources : Acrimed, Cheek Mag, Huffington Post, L’obs, Le Figaro, Le Monde, L’Equipe, The Guardian, BBC, Youtube, NBC News.